Anthony Chalençon, un homme des neiges tutoyant les sommets

Interview réalisée par Véronique RIFFAULT

Anthony Chalençon, déficient visuel et originaire de Morzine, a décroché lors des derniers jeux paralympiques de mars 2018 la médaille d’or au biathlon et celle de bronze en ski de fond. C’est pour honorer son endurance à l’effort autant que ses réussites – et elles sont nombreuses !- que le Cauradv lui décerne le trophée Talents dans la catégorie sport. Portrait d’un skieur en pleine ascension qui trouve dans la glisse un moyen d’exprimer sa personnalité profonde : le sens du défi et du collectif, aujourd’hui deux moteurs indispensables à son épanouissement.

Anthony Chalençon vit aujourd’hui à Grenoble par nécessité. Cette ville très accessible a un côté pratique en matière de transports, d’aménagements urbains et de loisirs. Mais ce qui fait monter l’adrénaline d’Anthony est bien davantage les sommets. Surtout quand un manteau épais de poudreuse toute fraîche recouvre les hauteurs. C’est à Morzine qu’Antony a vu le jour il y a 28 ans. Et dans cette commune où les sports de glisse constituent le gros de l’activité qu’il a perdu la vue à l’âge de trois ans. Toutefois, en vrai montagnard, de bonnes âmes l’ont juché sur des skis presque en même temps qu’il a appris à marcher. Depuis, les pentes à descendre à fond les ballons en ski le grisent, lui offrant un sentiment inégalé de liberté et de force intérieure. Comme s’il avait trouvé dans ce sport un moyen singulier d’expression de sa singularité, lui qui s’avoue volontiers fan du groupe « Muse », et notamment en ce moment de leur titre « Sing for Absolution ». Une rengaine planante donnant « l’impérieux désir de se dépasser, d’avancer et de progresser », pour reprendre les mots qu’il utilise pour définir sa devise dans la vie.

Se dépasser, avancer et progresser est d’ailleurs le programme auquel s’emploie notre grand sportif le plus clair de son temps. Un vrai job à part entière puisqu’il a temporairement mis de côté ses études de kiné et vit actuellement du soutien de ses sponsors :APICIL, Salomon et la commune de Morzine. Investi à 300 pour cent dans sa passion, la gagne en ski nordique au sein de l’équipe française d’Handisport est pour l’heure son objectif. Ce qui signifie concrètement : Cinq à six heures d’entrainement par jour – et ce, six jours sur sept-, des exercices réguliers de tandem, course à pied et escalade pour muscler parfaitement son corps et, last but not least, avant et pendant les compétitions -soit les deux tiers de l’année-, un régime alimentaire draconien : pas de viande rouge, peu de matières grasses, alcool proscrite ; mais des pâtes, des légumes et de la viande blanche. A notre curiosité  « comment vous dirigez-vous en ski et par quel moyen atteignez-vous les cibles de tir ? », Anthony a tellement bien intégré son handicap qu’il s’étonne de la question. Et quand il nous répond respectivement à la voix et au son, on est encore plus ébahis de ses performances. Des résultats qu’il compte bien pulvériser lors des jeux paralympiques de 2022. On croise les doigts et on l’encourage.

Si Anthony ne pourra être présent à la remise de son trophée, il a une excellente raison. Au même moment, il s’entraînera en Slovénie avec l’équipe de France dans la perspective de la Coupe du Monde en Norvège, courant décembre prochain. D’ailleurs, ne croyez pas qu’il profite de ce type d’expédition aux quatre coins du globe pour jouer les touristes. Entre l’aéroport, l’hôtel, les trainings intensifs et les séances de coaching individuel ou collectif, il ne dispose d’aucun temps libre pour visiter les pays. Des lieux où il ne fait que transiter, avant de repartir s’entraîner forcément. Donc, nous ne lui en voulons pas. Dans l’attente de sa venue à Lyon, nous gardons son trophée au chaud. En espérant que ce dernier appréciera la compagnie des autres récompenses qu’il a déjà obtenues cette année lors du championnat du monde au Canada et qui, pour rappel, sont : une médaille d’argent pour le ski de fond et deux de bronze pour le biathlon et le ski de fond.