Le talent tombe rarement du ciel. Il est le fruit de beaucoup de travail, de ténacité, mais surtout de passion et d’audace. C’est pourquoi le premier festival « Talents » du Comité Auvergne-Rhône-Alpes des Déficients Visuels (CAURADV), qui s’est tenu le 28 septembre dernier au centre culturel de la vie associative de Villeurbanne, a été une réussite à de nombreux égards.
Familles, amis, fans et bénévoles, ils étaient près de deux-cents à avoir préféré la musique et le théâtre à la douceur d’un samedi après-midi d’automne. Et les conversations entendues à la sortie laissent à penser qu’aucun n’a regretté son choix. « Quand on écoute Manicia, c’est comme Ray Charles. On reste scotché par la tessiture de sa voix et son jeu pianistique. Ses textes disent quelque chose de différent », « Meybe, c’est assurément un groupe très doué », « Quelle présence sur scène ce Francis Boutté ! », « Olivier Ducruix, il voit mieux les migrants que certains politiques », « Le jeu des acteurs, cela m’a rappelé le film « Prête-moi tes yeux » de Sacha Guitry. L’entraide et l’amour de l’art, voilà les seuls ingrédients nécessaires à une bonne pièce ! », etc.
Mise en lumière de talents singuliers
L’objectif d’offrir une image positive du handicap visuel a été atteint. De la jeune virtuose Fjolla au slameur revendicatif Bastien Jules, sans oublier le conteur visionnaire Tony ou encore la chorale enjouée de l’association Valentin Haüy, les artistes qui se sont produits ont démontré que l’expression d’un talent n’avait rien à voir avec l’acuité visuelle.
L’émotion provoquée par une réplique ou la musicalité entraînante d’un refrain dépend essentiellement de la capacité à travailler un domaine pour lequel on se sent quelques dispositions. Et pour lequel, passionné dans l’âme, on est prêt à consacrer temps et énergie. Partant de là, via un panel de chanteurs, acteurs, interprètes et conteurs locaux, le CAURADV a parfaitement démontré que les malvoyants et les aveugles avaient les mêmes dispositions que les voyants à s’exprimer artistiquement.
Ouvrir les yeux sur des héros discrets
Au spectacle qui a duré près d’une heure trente, a succédé la remise de trophées. Une récompense visant à distinguer des personnalités remarquables dans quatre catégories : études, aventure, entrepreneuriat et sport.
A travers les exemples d’Anaïs Choulet, doctorante en philosophie, Nadine et Mathieu Dhommee-Vallier, globe-trotteurs invétérés, Samuel Njoh, start-uppeur d’intelligence en bâtiments ou encore Anthony Chalençon, champion de ski, ce sont d’autres regards sur la déficience visuelle qu’a mis en lumière le CAURADV. Même si les primés ont eu la performance modeste – pour eux, c’est normal car leur quotidien-, comment ne pas être admiratifs de leurs prouesses, sachant qu’ils évoluent dans une société où l’on accède à l’information à quatre-vingts pour cent par la vue ? Le coup de projecteur qui leur a été fait n’a pas nié le prix en sueur, adaptation et volonté de tels succès. Sa vertu a pourtant été ailleurs. Dans la preuve que là où il y a un désir, il y a toujours un chemin. Même sans la vue, tout reste possible. Cette mise en avant de parcours originaux confirme que l’inclusion est affaire de volonté et de travail conjoint entre pouvoirs publics, associations et déficients visuels eux-mêmes. Une modalité d’action qu’ont également rappelée Sandrine Chaix, Conseillère déléguée aux personnes handicapées de la région Auvergne-Rhône-Alpes et Frédéric Vermeulin, adjoint en charge du handicap à la mairie de Villeurbanne ; tous les deux présents à cette manifestation.
L’Union fait la force
Le succès de ce festival est le résultat d’une riche collaboration mise en musique par Anne Renoud, présidente de la FAF Apridev. Et la preuve en actes que si seul on peut aller plus vite, ensemble on va plus loin. En effet, désireux depuis sa création en 2016 de tout mettre en œuvre pour sortir le handicap visuel de l’ombre, le CAURADV a pleinement joué des complémentarités entre ses associations membres* pour mettre à profit toutes les bonnes volontés. Si certains ont ouvert leur carnet d’adresses pour communiquer les bons contacts, d’autres se sont démenés pour avoir « à l’œil » qui un photographe, qui un animateur ou qui une plume à même d’interviewer les artistes pour l’indispensable audio description.
Un système D résumant bien le génie du monde associatif local qui s’avère un trésor. Une occasion de rappeler que ce succès doit aussi à l’engagement de bénévoles qui, toute l’année, au sein de leurs associations accompagnent malvoyants et aveugles, et qui, pour l’évènement, ont aidé aux déplacements comme au service. Un buffet qui d’ailleurs a, lui aussi, été fort apprécié. Ce qui est une bonne chose pour les papilles des convives et, plus encore, pour la recherche ophtalmologique.
C’est effectivement un chèque de plusieurs centaines d’euros, fruit des dons récoltés, qui sera prochainement remis par le CAURADV à l’Institut de Recherche Rétinite Pigmentaire (IRRP). A croire que « Loin des yeux, près du cœur » pourrait devenir une devise à l’avenir certain …pour recouvrer la vue !
Pour retrouver les meilleurs moments du festival : www.cauradv.org
*Les associations membres sont : FAF APRIDEV Rhône-Alpes, Centre Technique Régional pour la Déficience Visuelle (CTRDV), Association Valentin Haüy, Voir ensemble, Formation Insertion et Réadaptation (FIDEV), EHPAD Les Edelweiss, Groupement de Chambéry, association les Aramaviens, Point de Vue sur la ville, FAF GAIPAR Auvergne et EHPAD les Girondines.